Interview Valentin Champion
Comment décrirais-tu ton parcours au sein de la Cabane, de tes débuts à aujourd'hui ?
Un parcours riche en émotions, en rencontres, et en souvenirs. Tout a vraiment commencé l’été 2021, où j’ai joué mes deux premières pièces sur le maintenant mythique chalutier Louis Nocca à Sète. C’est durant ces deux pièces que j’ai fait la connaissance de partenaires de scène formidables, que j’ai appris à travailler sous la direction de Julien, que j’ai découvert ce que c’était de jouer devant une salle (que dis-je, un bateau) remplit un soir et devant 6 personnes le lendemain, et que j’ai découvert réellement l’esprit de troupe. C’est cet été-là qu’a commencé une très belle collaboration avec Julien et La Cabane. Depuis, j’ai été distribué dans la quasi-totalité des pièces que nous avons pu jouer jusqu’à maintenant. Des pièces et des rôles complètement différents. Celle qui a suivi était “Il était une fois Mauguio”, une pièce immersive dans les rues de Mauguio. C’est là que j’ai compris que La Cabane était une compagnie « hors-norme » dans le sens premier du terme, et que jouer une pièce historique, en costume, en pleine ville, avec des partenaires devenus amis, était une réelle chance. S’en est suivi, sans toute les citer, la pièce “Les Raisins de l’amour” (jouée pour la première fois au château Saint Pierre de Serjac devant plus de 400 spectateurs, en immersion dans les vignes et le domaine tout entier), des belles collaboration avec la Maison des Orpellières et le domaine de Biar (où nous jouons Silence ça tourne, Love Hotel, La Salle de Réveil, Les Raisins de l’amour, Le Mystère de la Chambre Bleue), des voyages aux bouts de la France pour jouer “Les Carabins” à Niort ou encore “Je Panse donc je Suis” à Pau, la pièce jeunesse “Abeille-toi pour le Climat” véritable carton auprès des enfants et des lieux dans lesquelles nous la jouons, d’autres pièces itinérantes comme “Tel Jean Vilar” en plein cœur de Sète, des résidences, des lectures publiques à la Gazette, etc. De mois en mois et d’année en année, je suis devenu plus qu’un simple « comédien », mais un des éléments centraux de la compagnie, avec une étroite collaboration avec Julien, la reprise en main des réseaux sociaux, la prospection des pièces, l’animation d’ateliers, de séminaires, etc. Aujourd’hui, la compagnie prend un nouveau tournant avec le pôle cinéma que Julien et l’équipe de La Cabane Prod sont en train de bâtir, alors j’espère bien que l’aventure continuera encore, non seulement sur scène, mais aussi devant la caméra.

Qu’est-ce qui t’a amené à accepter de rejoindre cette troupe en particulier ?
Je dirais que c’est la fois où je me suis rendu sur le chalutier théâtre en 2020 pour voir quelques copains jouer lors de la première sortie de résidence organisée par Julien. Les deux premières pièces m’ont plu, alors j’ai décidé de rester pour la troisième, celle-ci jouée par des comédiens que Julien avait rencontré à Paris : “Le Mystère de la Chambre Bleue”. Quelle claque. Je me souviens avoir eu comme l’impression d’assister à la version théâtrale de Shutter Island, ou d’une pièce d'Agatha Christie. J’ai été impressionné par l’écriture, les costumes, l’univers, le jeu des comédiens. En sortant, j’ai dit à mon père : c’est ça que je veux faire. J’étais alors en première année des Cours Florent. L’année qui a suivi, Julien organisait des auditions pour la deuxième année de résidence sur le bateau. Bingo, j’ai été retenu. Vient ensuite deux semaines fabuleuses avec un groupe incroyable, soudé, motivé, tous content d’être là. Se rajoutait à ça mon envie de jouer, de vivre de nouvelles expériences, de rencontrer de nouvelles personnes. Aussi, de me confronter à une nouvelle direction d’acteur, une façon de travailler différente de ce que je pouvais avoir au cours Florent. J’ai tout de suite adhéré à la vision qu’avait Julien du théâtre et du travail de l’acteur en général. Ensuite, tout s’est fait assez naturellement. J’ai senti que nous pouvions faire de belles choses, qu’on avait un excellent groupe, que c’était l’endroit où je devais être, que c’était avec ces personnes que je me sentais le mieux sur scène. Et depuis cet été là, Julien n’a cessé de me faire confiance, en me distribuant dans une dizaine de pièces, dont la fameuse qui m’a donné envie de rejoindre La Cabane : “Le mystère de La Chambre Bleue”.

Quels ont été les moments où les spectacles les plus marquants de ton parcours théâtral au sein de la troupe ?
J’ai vécu beaucoup de choses, d'expériences, de représentations marquantes avec La Cabane, mais si je devais en choisir une, c’est lorsque nous avons joué pour la première fois “Les Raisins de l’Amour” au château de St Pierre de Serjac. C’était la première fois que ces personnages allaient prendre vie, en déambulation devant des centaines de personnes, dans un lieu d’exception. J’ai alors vécu ma plus belle expérience d’acteur de ma jeune carrière. Tant par l’osmose que nous avons réussi à avoir avec mes partenaires de jeu, que par l'expérience que nous avons vécu, grâce au lieu, aux décors, aux costumes, et l’immersion totale dans laquelle nous plonge cette pièce. Nous l’avons joué quatre fois de suite, et chaque représentation fut unique. Bien sûr je pourrais citer aussi tous les trajets en voitures ou van qui sont à chaque fois des belles tranches de rigolade. Et si je devais citer un souvenir un peu moins glorieux mais tout aussi marquant, ce fut lors de l’été 2023 lorsque nous jouions “Le Mystère de la Chambre Bleue” à la Maison des Orpellières. Une pièce construite comme un véritable puzzle, avec des interrogatoires, des révélations, des plotwist, où la chronologie des scènes est ultra importante. Une pièce dans laquelle j’incarne Jean Marie Agathe, adjoint du détective Lucien Poe, joué par Quentin Lenz. Nous sommes présents sur scène durant l'entièreté de la pièce. Et alors que nous étions même pas à la moitié de celle-ci, par je ne sais quelle étourderie, nous nous sommes retrouver à sauter au moins une dizaine de scène, oubliant énormément d’éléments important pour la compréhension du spectateur vis à vis de l’intrigue, déjà dure à suivre en temps normal, et révélant donc des informations qui n’avait pas de sens car pas encore teasées. Nous avons complètement perdu le fil de la pièce en faisant cet énorme saut dans le temps. Quand on s’en est rendu compte, je me rappellerai toujours de ce regard que nous nous sommes lancé, comme pour se dire “on est dans la merde, mais gardons notre panache et essayons de reprendre le fil comme on peux”, nous ne pouvions pas nous concerter car à aucun moment nous ne sortions de scène. C’en est alors suivi une heure de sueur, de serrage de fesse, de télépathie où chacun essayait de lire dans les yeux de l’autre, où grâce à nos partenaires, nous avons essayer de remettre tout en place, en ordre, revenir en arrière, d’intervertir les scènes, d’improviser, faire en sorte de tout dire, afin de ne pas perdre la cohérence de l’histoire, ou du moins la retrouver. Et tout ça, sans jamais se concerter. Un moment de grâce, qui nous a permis de trouver ce tant recherché “moment présent”, supplément sueur, mais que nous aurions quand même aimé ne pas vivre. Finalement, aucun spectateur ne s’en est rendu compte. Plus de peur que de mal. Encore pardon à Julien pour cette réécriture en direct de sa pièce, mais quel moment !

Comment as-tu vu évoluer la troupe au fil des années ?
D’année en année, j’ai vu la troupe prendre plusieurs tournants et évoluer grandement, grâce en partie à Julien et son travail acharné d’écriture, de
prospection, de sa volonté toujours intacte de toujours se réinventer, de jouer, de créer. Au début, Julien organisait des résidences pour rencontrer des acteurs. Et un groupe s’est vraiment créé lors de la deuxième année de résidence, dans laquelle je faisais partie. D’autres comédien.e.s nous ont ensuite rejoints, et grâce au répertoire déjà bien rempli de pièces écrites par Julien, la troupe a commencé à jouer et vendre de plus en plus de pièces. Plus la compagnie évolue, plus elle s’étend vers d’autres types de lieu, vers d’autres types de public, d’autres prestations, d’autres promesses, et plusieurs grosses collaborations. Avec un partenariat avec le Crédit Agricole qui nous a permis de jouer à l’Opéra Comédie, celui avec le CLJ permettant d’animer des ateliers avec les jeunes de Sète et tourner des courts-métrages percutants dont « Au nom du Père » avec Mélanie Maudran ou « Mi-temps » avec Youcef Agal, celui avec l’ANFH nous permettant de jouer nos pièces médicales. Des collaborations avec plusieurs établissements et lycées, dont le lycée Alphonse Daudet où j’ai pu avoir l’occasion d’intervenir pour préparer les élèves de terminales STMG à leurs oraux de fin d’année. Plus récemment, le souhait de Julien de transformer la compagnie en boite de production afin de pouvoir tourner nos propres courts-métrages est en train de prendre forme petit à petit, avec déjà 5 réalisations. Plus que la promesse d’amener le théâtre (et l’art en général) hors les murs, La Cabane est devenue une véritable entité pluridisciplinaire, mêlant spectacles, animations, ateliers et productions. Et c’est que le début !

Quel a été ton rôle dans cette évolution ?
Devenu assez vite un élément important de la Compagnie, de part ma présence dans la majorité des projets, mais aussi mon étroite collaboration avec Julien et mon envie de faire grandir et rayonner la compagnie, je pourrai dire que j’ai pu aider la compagnie à s’étendre, à se faire connaître, à rencontrer de nouvelles personnes, de nouveaux talents, et surtout à tenir avec envie, passion et professionnalisme chaque rôle et missions que Julien a pu me confier jusqu’à maintenant. Depuis plus d’un an je gère en quasi-autonomie les réseaux sociaux de la compagnie, apportant une plus grande visibilité, et permettant de soulager Julien lui permettant de mettre plus d’énergie autre part, ce qui est bénéfique pour l’ambition que nous avons. J’essaye de mettre ma détermination et ma passion du théâtre et du cinéma au service de La Cabane, car chaque projets, rencontres, tournages, que je peux avoir à côté peut également servir à faire grandir la compagnie.
Y a -t-il eu des défis particuliers que tu as rencontrés au sein de la troupe ? Comment les as-tu surmontés ?
Beaucoup de défis, comme dans toute compagnie, toute entreprise, tout groupe. Avec une ampleur plus ou moins grande, comme celui de gérer les réseaux sociaux, de jouer avec parfois très peu de répétitions, de devoir reprendre un rôle et apprendre le texte en très peu de jours, de s’adapter aux lieux très rapidement, tout ce qui constitue la vie d’une compagnie finalement. L’amour du métier et l’envie de jouer permet de surmonter chaque défi. Mais si je devais en retenir un, ce serait la fois où j’ai décidé de quitter plus tôt que prévu le Puy du Fou, où je jouais déjà dans une dizaine de spectacle, afin de pouvoir jouer dans les pièces que nous jouions l’été 2023 avec la compagnie à la maison des Orpellières, devant apprendre, désapprendre, passer d’une pièce à une autres en quelques jours. Ce fut un changement imprévu, un véritable marathon ensuite, mais surtout aucun regret, un grand kiff, et de supers souvenirs !

Qu’as-tu appris en travaillant avec les autres membres de la troupe ?
Que le fait de jouer souvent avec les mêmes personnes, de se côtoyer et se connaître également en dehors, permettait d’avoir une meilleure cohésion de groupe sur scène et donc gagner en qualité. Jouer souvent ensemble nous permet de travailler beaucoup plus rapidement une pièce, d’improviser avec beaucoup plus de facilité, et surtout de garder l’essence même de pourquoi nous sommes sur scène : prendre du plaisir et en donner au spectateur. Voir des acteurs et actrices qui jouent véritablement ensemble, qui se connaissent (presque) par cœur sur scène, est un gage de qualité pour nos pièces et cela se ressent directement auprès des spectateurs qui nous le disent. J’ai donc appris à faire confiance aux autres, et donc parallèlement, à me faire plus confiance sur scène.
Comment perçois-tu l’impact de ton travail sur le public ?
J’aime entendre les réactions du public, sentir qu’ils passent un bon moment, les voir rire, se questionner, être à fond avec nous qui sommes sur scène. Alors à aucun moment je n’oublie le spectateur, et je fais tout pour les captiver. C’est un peu le seul moment où je décroche et où je reste Valentin sur scène et non pas mon personnage, toujours sentir le lien qui à entre eux et nous, les tenir, jusqu’au bout, même s’il n’y a qu’une seule personne dans la salle, et même s’il n’y a plus qu’une personne qui nous écoute dans la salle (true story). Et je pense que cela se ressent auprès du public, un acteur qui ne triche pas et qui se donne à fond est plaisant à voir jouer. Alors quand le public est conquis, quand nous réussissons à faire vivre des émotions au public, c’est mission réussie, car c’est finalement le but premier du théâtre ou du cinéma, les prendre avec nous, leur faire oublier leurs problèmes et les faire voyager au moins le temps de la représentation.

Quels sont tes projets théâtraux au sein de la troupe ?
Je fais parti des distributions de Silence ça tourne, Il était une fois Mauguio, Tel Jacques Prevert, Tel Jean Vilar, Les Raisins de l’Amour, Le mystère de La Chambre Bleue, Je Panse donc je Suis, Les Carabins, La Salle de Réveil, LoveHotel, Je Joue donc Je suis, Abeille toi pour le Climat, et Le Passager Clandestin.
Si tu pouvais choisir un rôle marquant dans une future production de la Cabane, quel serait-il et pourquoi ?
Mon rêve ultime de comédien, c’est de jouer Esteban dans une adaptation cinématographique des Mystérieuses Cités d’Or. Mais je pense que ça restera au rang de rêve. Alors si je devais choisir un rôle marquant pour une future production de La Cabane, je pense que ce serait une adaptation de Lorenzaccio, d’Alfred de Musset. C’est un rôle fort, très dense, avec de multiples complexes, énormément d'enjeux et de choses à jouer. Je me retrouve dans certains aspects de ce personnage. J’ai déjà travaillé Lorenzaccio au Cours Florent, et j’ai à peine réussi à toucher du doigt la grâce qu’il faut avoir pour réussir à incarner parfaitement ce personnage. Alors ce serait comme un défi, la suite d’une mission pas totalement accomplie, et surtout un énorme plaisir de me replonger dans cette histoire !
